04 décembre 2017

4. La ville de verre

À peine j’approchai de la ville de verre que je la sus glaciale.

Je traversai, dans la nuit profonde, un ciel oublié et de très loin l’aperçus, émergeant étrangement de ces terres aux mille lacs comme un fragment de schiste pourrait émerger d’une plaine marbrée, polie par les années froides.
Et ces filets de terre qui s’étiolent, ces survivants luxuriants du déluge, les pointes de lumière – feu follets – en jaillissait de chaque place. 

Invisiblement, l’atmosphère me happait et m’enjoignait d’accéder à l’urbain transparent et lisse au travers duquel une aurore boréale émeraude venait de frapper.

L’espace d’un instant, tout était devenu vert, même l’air que je respirais.

Écrasé que j’étais par cette lumière, je fis quelques pas dans les rues de la ville de verre.

Au fil des avenues cristallines
Entre les buildings transparents
Diamant sur chrysalide
Paillettes sur un aimant

Elle repose aux lointains confins des cercles polaires, la ville de verre
Verticale immaculée, architecture éclatante, lisse, silencieuse

Probablement était-elle là avant que soient dressées les premières colonnes de Babylone, avant que soient taillées les premières briques des merveilles du monde. Y a-t-il un mythe assez ancien pour lui donner un nom ? Une légende assez vieille pour se souvenir qu’elle a été vivante ?

Jamais ce qu’on en a dit autour des feux du soir, alors que la neige frappe aux carreaux du salon, n’aura approché d’un flocon la vérité que je vis désormais…


Perdu dans la ville de verre.






_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Stéphane Paccaud est un homme de la scène qui, à côté de ses études littéraires, s'est engagé au théâtre des Trois Petits Tours de Morges en tant que comédien, créateur et musicien. Son écriture, qu'on retrouve dans ses deux livres, témoigne d'un rapport au texte qui laisse la part belle aux textures et sonorités des mots.